Le 72ème numéro de Malakocktail est désormais paru et ce blog est passé pour l’occasion au vert (assez capital) de sa manchette.
Si vous habitez Malakoff, le Vieux Malakoff, Pré Gauchet, la Manufacture… vous trouverez ce numéro dans les jours qui viennent soit dans votre boîte aux lettres, soit dans les commerces et lieux publics de votre quartier.
A défaut, ou si vous habitez ailleurs, n’hésitez pas à nous demander de vous l’envoyer, c’est gratuit. Vous pouvez aussi le télécharger dès maintenant en version pdf en cliquant sur l’image de Une ci-contre.
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Au sommaire de ce numéro qui respire, et auquel nous avons apporté un soin visuel tout particulier, vous trouverez l’agenda de la rentrée, des retours en images, « Ceinture noire au judo-club », « Après la Traviata », « Avant le départ », « Entre les mains de chacun de nous » (rencontre avec Les Idéelles), « Meuh ! Un roman mystico-localo-bovin » (avez-vous vu une vache ?), « On est arrivé », deux variations sur le feu, « Séquence 8 – cirque », « Du côté de l’Espace Lecture », l’infos travaux, les mots croisé de Jeanne et les problèmes d’Yvon.
Bravo à Jeanne, Yvon, Pierre, Frédéric, Daphné, Angèle, Odile, Michelle, Kevin, Claude, Chantal, Sandrine, Françoise, Marie-Joëlle et Sylvie pour le travail fourni, et merci aux membres du groupe de spectateurs critiques de Peuple & Culture 44 et à Christèle pour leurs contributions.
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Les suppléments au numéro papier
1/ En complément des images de la Fête de quartier du 8 juin dernier qu’on trouve page 4, retrouvez sur ce billet d’autres photos de l’évènement
2/ Pour approfondir la discussion avec le collectif Les Idéelles retranscrite page 8, voici la version complète de l’entretien que nous avons eu avec Mahdiya et Marielle :
Entre les mains de chacun de nous…
Depuis qu’elles avaient planté leur parcelle de jardin (le « Garden’koff ») au pied de la banane Norvège en 2012, et suite au succès de leur démarche, nous attendions le bon moment pour discuter avec elles. « Elles », ce sont Les Idéelles, un collectif de femmes, de mères, d’habitantes du quartier et de citoyennes, préoccupées par leur cadre de vie. Depuis le Garden’koff, elles ont notamment lancé un atelier de réflexion sur le devenir du Parc de la Roche (le « Lab’koff ») et participé à l’installation d’une « station verte et gourmande » près du jardin, la « Mal’Alhambra ». C’est là que, de citoyen(ne)s à citoyennes, nous avons échangé avec Mahdiya Hassan-Laksiri et Marielle Gibouleau, deux des fondatrices du collectif.
Quel est le sens de ce travail que vous faites autour de la « verdure » ?
Au début, la question qu’on se posait était « qu’est-ce qu’on peut faire ensemble ? » C’était notamment lié aux travaux. Nous étions toutes dans le quartier depuis environ 10 ans et les travaux, le bétonnage, avaient entraîné beaucoup de perte d’espaces verts. Au début, il ne s’agissait pas forcément de jardin. On ne trouvait plus notre place, on avait l’impression de perte d’un lien, certaines vivaient la réhabilitation dans leur logement, n’avaient pas de balcon, avaient la sensation d’être enfermées entre quatre murs… Mais le moment clé a été l’incendie du centre commercial (en février 2011), à la suite duquel certaines se sont dit « basta ! J’en ai marre, je veux partir ! » On s’est donc demandées si on restait. Mais si on restait, il fallait faire quelque chose, un acte positif, pour ne pas demeurer dans la plainte. Notre point commun, c’était une vision de la monotonie du quartier, et des quartiers en général. Il y avait de l’espace mais pas grand-chose dessus, un manque de couleurs…
A-t-il été facile de fédérer autour du projet de jardin « Garden’koff » ?
Notre volonté est de montrer qu’il est possible de faire quelque chose. Pour nous, donner envie est plus important que fédérer. Il s’agit aussi de se demander comment on fait pour travailler ensemble, de montrer que les choses peuvent venir de la base tout en coopérant avec les institutions. A l’origine, on a proposé notre projet de jardin et la Ville de Nantes a choisi de nous aider. Quand on a voulu implanter notre jardin, on a fait le tour du quartier avec les institutions, et c’est compliqué de s’implanter sur l’espace public, il y a des zones qui relèvent de responsabilités différentes, ça demande de négocier. Puis le SEVE (Service des Espaces Verts et de l’environnement de la Ville de Nantes) a assuré la préparation du terrain et nous avons reçu des dons de plantations.
Qui vient arroser ce jardin, comment ça fonctionne ?
Vient qui veut. L’esprit est collectif. On habite sur le quartier, donc quand on est là on nous voit, on est à proximité de l’aire de jeux donc on dialogue avec les enfants, on les invite à entrer, mais la responsabilité reste partagée avec tous. Il y a des habitants qui sont là, qui surveillent. On distribue les fruits du jardin, on partage, c’est l’idée.
Quelle est la différence entre le Garden’koff, petit jardin partagé et clôturé, et la Mal’Alhambra, espace ouvert avec bancs, tables et arbres fruitiers, juste à côté ?
Dès le départ, on voulait un jardin et un espace de papotage. Mais on n’a pas eu tout tout de suite, on a du faire nos preuves. Au début du Garden’koff on n’avait même pas de point d’eau. Pour arroser on devait aller jusqu’au citystade avec nos arrosoirs… Au bout de quelques mois, un point d’eau a été installé dont on a la clé, mais l’idéal ce serait qu’il y ait une sorte de fontaine pour que les gens puissent venir arroser quand on n’est pas là. La Mal’alhambra est donc venu après le Garden’koff, mais l’esprit est le même : tout ce qui est planté est partagé, toute personne qui plante ou participe doit accepter de partager les fruits de son travail. Les Idéelles ont la gestion du Garden’koff à travers une convention. La Mal’Alhambra est plus libre : c’est une « station verte et gourmande » comme il y en a d’autres en ville, installée avec l’aide du SEVE, et nous la faisons vivre. Pour le Garden’koff, qui est clôturé, on souhaite que les gens demandent quand on est là, s’ils veulent quelque chose. Mais il n’y a pas de dégradations parce qu’on est présentes, on donne le fruit de notre travail et on ne demande rien en contrepartie. Et nous, on se fait plaisir.
Est-ce que ça marche ?
Oui, le composteur notamment, les gens s’en servent. D’autres arrosent, et on dialogue avec les enfants qui sont sur l’aire de jeux. Et il est aussi très important pour nous de faire le lien avec les nouveaux habitants. Nous, on a connu des gens qui habitaient dans la banane qui était ici avant la démolition (le linéaire Pays de Galles), on les a vus partir, ce n’était pas facile. Et on sait que les gens qui arrivent dans le quartier, dans les nouveaux immeubles qui sont en face du jardin notamment, ont aussi leurs propres craintes. Donc le lien se fait à travers ce jardin, le composteur, les enfants qui viennent cueillir des framboises… C’est notre notion de l’habitat : on habite aussi à l’extérieur, ensemble.
Et puis on n’est pas dépositaires de l’idée. Si des gens de l’autre côté du quartier, au Pré Gauchet ou ailleurs veulent faire ce genre de choses on est prêtes à aider mais allez-y, il suffit d’être deux… Ces jardins appartiennent à tous, on n’est pas propriétaires, c’est de l’espace public, si des gens volent ou cassent c’est tout le monde qui en pâtit. Et puis pour nous, même si ce n’est pas toujours simple, c’est un plaisir et c’est un vrai projet d’habitat. Et ce projet est aussi un moyen d’apprendre la relation entre le collectif et les institutions, dans les deux sens. Le tout n’est pas de s’opposer mais de trouver un terrain d’entente.
Est-ce que le projet a essaimé dans le quartier ?
Derrière la banane Norvège, un monsieur a semé des graines de fleurs… Et puis les projets des Idéelles c’est aussi l’idée qu’on peut désenclaver le quartier autant par les idées que par les immeubles. On a réussi à faire venir ici des gens de l’extérieur qui se sont dits « Malakoff, c’est chouette ! », on contribue à donner une image positive du quartier. C’était aussi l’objectif du pique-nique « Fêtons jardin » du 26 juin dernier. Et puis on est aussi des femmes, et l’image des femmes dans les quartiers est également chargée de stéréotypes qu’on contribue à combattre.
On a même entendu qu’on menait des projets « bobos », mais c’est justement dans les quartiers populaires qu’on devrait multiplier les politiques de développement durable. Il ne faut pas le réserver a l’« élite », c’est aussi un moyen d’avoir une fierté du travail accompli ensemble. Le carré de carottes en bas d’immeubles est d’autant plus pertinent dans un lieu où les gens ont parfois du mal à se nourrir. C’est ici qu’on devrait avant tout développer les relations humaines, travailler, partager, faire ensemble. C’est beau de rêver, et nous on continue à le faire.
Aujourd’hui, l’aval du quartier, en fin de chantier, semble manquer de verdure en comparaison d’ici…
En effet, et c’est difficile de faire venir les gens de là-bas, il y a une vraie frontière, la fameuse ligne « Miami/Beyrouth ». Mais les choses se font petit à petit. Par exemple, Céline, qui habitait le nouvel immeuble que certains appellent le « bunker » [du fait de ses hautes grilles, à l’angle des rues d’Irlande et de Chypre, ndlr], nous a rejointes. On a tous nos préjugés, nos barrières, mais la clé c’est la rencontre.
On se sent légitimes pour proposer ce type de projets. En tant que citoyens usagers, investit dans la ville, on peut impulser des projets, influencer les politiques publiques… C’est ça la fameuse démocratie participative. En tant qu’habitantes, si on nous avait demandées notre avis sur la rénovation de Malakoff amont, on aurait dit « ne clôturez pas », « ne mettez pas de palmiers », « ouvrez et laissez les gens faire ce qu’ils veulent ». On ne met jamais l’humain au centre des projets d’urbanisme. On pense toujours « neuf », il faut que ça sorte, alors qu’aujourd’hui la ville se construit sur elle-même, il faut apprendre à faire à partir de l’existant.
L’idéal de beaucoup de gens n’est-il-pas de vivre tranquilles, clôturés, chez eux, avec une alarme ?
C’est peut-être plutôt quelque chose qu’on leur vend comme un idéal. Mais c’est vrai que tout le monde ne pense pas en termes de circulation, de rencontres… Reste que lorsqu’on discute avec l’urbaniste de Malakoff [Gérard Penot, Atelier Ruelle, ndlr] on se découvre des manières de penser communes, la même volonté que les habitants s’approprient les espaces publics… mais il nous dit aussi qu’il est soumis à de fortes contraintes, que l’urbanisme est une chose complexe. Nous avons vu une expérience parisienne d’habitat social collectif pour laquelle les habitants se sont constitués en maître d’œuvre, en concepteurs de leur habitat, et c’est vers cela qu’il faut tendre. Au lieu de cela, on leur propose des réunions à répétition à 18h où ils ont l’impression qu’ils ne pèsent pas. Il faut développer le pouvoir d’agir de chacun, mais il est normal d’avoir peur, et souvent on se met des barrières avant même de commencer, on se dit qu’on n’a pas le droit…
Vous avez lancé une réflexion sur l’avenir du Parc de la Roche (le « Lab’koff ») à propos de laquelle on pourrait se dire : « mais de quoi se mêlent-elles ? »
C’est une question de légitimité. On juge qu’en tant que citoyennes, usagers qui votent, on est légitimes à nous intéresser aux espaces qui nous entourent. On habite en ville, ça nous fait mal au cœur de voir un si grand parc délaissé. Il n’y a plus de barbecues, il n’y a plus d’araignée pour les enfants, tout ça parce qu’il y a eu des problèmes et qu’ensuite on a laissé tomber… Le constat sur ce parc est partagé, l’accès y est difficile pour les personnes à mobilité réduite, les bancs sont rares et mal fichus. Ce qu’on voudrait dans ce parc c’est de la vie, avec des espaces ici et là qui s’adressent à des publics différents, aux enfants, aux jeunes, aux adultes… un peu à l’image de ce qui s’est passé pendant la fête de quartier. Qu’on arrête de nous dire que ce parc est trop loin, d’autant plus qu’il est desservi par le bus. Mais c’est à valoriser la verdure en ville, certains parcs ont des senteurs, des thèmes, et celui-ci ? Le Lab’koff c’est donc une démarche lancée dans le cade de l’appel à projets « Nantes capitale verte 2013 » pour réfléchir aux usages de ce parc : il s’agit de mettre autour de la table architectes, paysagistes, écoles, habitants… Pour l’instant on en est encore dans une phase technique, on cherche des partenariats, mais on vous tiendra au courant des avancées.
Pour nous se pose toujours la question de la légitimité. Je suis légitime, même seul(e). Sinon quoi ? Il y aurait les « sachants » et les autres ? Non, les compétences et les points de vue sont complémentaires. Le véritable pouvoir est entre les mains de chacun de nous. Et puis notre responsabilité est là, vis-à-vis de nos enfants si nous en faisons pas bouger les choses. C’est la question de savoir ce que nous leur laissons.
Avec Marie-Joëlle, Kevin, Chantal, Françoise et Angèle
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